Conférence de Christine Roullière-Le Lidec sur le stress post-traumatique le mercredi 2 octobre 2024

Conférence de Christine Roullière-Le Lidec

sur le stress post-traumatique

le mercredi 2 octobre 2024 à 19h à l’Ecole militaire

« Se remettre debout »

Le Professeur Henri Laborit l’a bien décrit, face à un stress nous avons la possibilité de réagir (fuir ou combattre) ou de rester sidéré dans l’effroi. L’action implique la mobilisation de l’organisme afin de réagir à ce stress, nous gardant dans le mouvement de la vie. Ce processus se retrouve dans la physiologie.

De la même manière qu’une blessure physique se traite afin de favoriser la cicatrisation, donnant une part importante à la rééducation afin d’aider le blessé à se remettre debout, la blessure psychique implique un processus thérapeutique médico-psychologique comprenant le defusing, le débriefing, permettant une véritable catharsis pour métaboliser la scène traumatique. Un accompagnement particulièrement ajusté et adapté se met en place au long cours pour voyager à travers le traumatisme. Si le trouble de stress post-traumatique est une pathologie bien connue des combattants depuis l’antiquité, sa définition fut précisée au fur et à mesure des différents conflits.

D’après la 5ème édition du Diagnostic and Statistical Manuel of Mental Disorder Diagnosis ( DSM) actuellement en vigueur et l’enseignement du Professeur Louis Crocq, le trouble de stress post-traumatique, (TSPT) est un ensemble de symptômes survenant à distance d’un événement traumatique (confrontation avec la mort pour soi et/ou pour un proche et/ou pour un groupe), symptômes plus ou moins réversibles, pouvant invalider la vie relationnelle et professionnelle. Le critère étiologique est l’exposition à un événement traumatique, associé à un temps de latence. Ce délai de latence peut aller d’un mois à plusieurs années, voire à des dizaines d’années. Ainsi le TSPT concerne autant la société civile que les forces de sécurité. L’actualité nationale et internationale le démontre régulièrement.

Comment revivre après un tel traumatisme ? Comment faire avec ce traumatisme ? Quelle nouvelle vie personnelle et professionnelle ? Comment le combattant, sa famille, son entourage traversent ce chemin de souffrance pour atteindre le cap de la résilience ?

Ma pratique au Samu de Paris, au ministère de l’intérieur, à l’association Solidarité Défense
intervenant auprès des militaires blessés en opération, et des familles de militaires décédés, m’a convaincu de la nécessité d’envisager la blessure psychique, non comme une fatalité, mais comme une épreuve de vie que l’on traite et dont on prend soin.

Les nombreux échanges avec des personnes ayant un syndrome de stress post-traumatique, quel que soit leurs univers, mettent en évidence le besoin impérieux de réapprendre à vivre à la place de la survie, d’apprendre ou réapprendre à apprécier la vie d’aujourd’hui telle qu’elle se trouve. Puis il s’agit de réinventer sa vie professionnelle, personnelle, en trouvant des clefs pour reconstruire et ou développer des liens porteurs de sens. On combat mieux ce que l’on connait.

La première étape consiste à accueillir la personne touchée avec toute son histoire, sa vie d’avant le traumatisme, et son présent. Puis lui donner des armes pour combattre, faire face à cet ennemi invisible.
« Personne ne peut comprendre ce que j’ai vécu…
Le bruit, les odeurs.. Je ne veux pas leurs infliger cela. Les courses,.. Insupportable.. Suis obligé de faire une reconnaissance. Les jeux des enfants, le bruit, .. je ne les supporte plus.. Mais je les aime. »

Un sentiment de décalage difficile à vivre avec l’impression qu’une part d’eux est toujours là-bas. C’est en quelque sorte un coup de tonnerre dans un ciel serein bouleversant ses repères. On ne se reconnait plus. « Docteur, dites moi, je ne suis pas devenu fou ? ». Cette phrase fut tellement entendue dans mes consultations.

Expliquer le mécanisme, les symptômes en prenant le temps de le faire et de le refaire, non seulement est essentiel, mais constitue une part de la thérapeutique. Ainsi on chemine avec le patient. On coconstruit une démarche de réparation.

Cette étape d’information permet de fluidifier également les relations avec l’entourage, prévenant d’éventuels malentendus, des incompréhensions, pouvant conduire à un isolement social, amical, familial, amoureux. Ce qui est valable pour le patient l’est pour l’entourage.

Les conjoints, les familles, les amis entourant le patient, manifestent également un besoin de connaissance afin de décoder les symptômes pour comprendre ce qu’il se passe et ainsi mieux entourer leurs conjoints, fils, filles, amis, amies. Très souvent en première ligne, pour détecter des comportements inhabituels, la famille souvent appelée « la base arrière » endosse plusieurs rôles, celui de lanceur d’alerte, de premier thérapeute et de “victime collatérale”, vivant au quotidien les répercussions de la blessure psychique. Cette connaissance est essentielle pour comprendre des réactions parfois difficilement compréhensibles.

Pour l’entourage, c’est très difficile à vivre.

Inquiétude, incompréhension, crainte devant des comportements étranges et parfois angoissants, fatigue du quotidien et un immense désarroi, tels sont les qualificatifs les plus souvent entendus avec cette question lancinante : « Docteur, je ne le reconnais plus » Prendre soin de l’entourage est indispensable. « Prenez soin de vous afin de prendre de soin de lui », tel est aussi le cap des familles.

Se remettre debout après un traumatisme pour s’engager sur le chemin de la reconstruction, et de la résilience est un travail d’équipe, basé sur la connaissance des symptômes et sur la confiance et le renforcement des liens.

La solidarité et la cohésion ne sont plus un devoir mais une nécessité.

En guise de conclusion, les mots d’Antoine de Saint Exupéry dans le petit prince :
« Le véritable voyage, ce n’est pas de parcourir le désert ou de franchir de grandes distances sous-marines, c’est de parvenir en un point exceptionnel où la saveur de l’instant baigne tous les contours de la vie intérieure. » Antoine de Saint Exupéry

Ayant un double doctorat de médecine et de sciences économiques, Christine Roullière-Le
Lidec a servi auprès des ministres de la santé et de la famille ainsi que des ambassadeurs
chargés de l’adoption internationale et du secrétariat général de la Présidence française du
Conseil de l’Union européenne. Elle est en poste depuis de nombreuses années au ministère
de l’intérieur. Très investie auprès de la communauté militaire, administratrice de Solidarité
Défense, accompagnant des hautes personnalités, des agents et des familles d’agents
endeuillés, Christine est une experte sur le sujet du stress opérationnel et du syndrome de
stress post-traumatique, et est régulièrement sollicitée sur le sujet (elle a écrit un livre : « le
syndrome de stress post-traumatique survivre ou revivre » paru aux Editions Economica).