Conférence de David GRIS
sur l’orpaillage
en présentiel, à l’Ecole militaire
le vendredi 31 mai 2024
David Gris est major de la gendarmerie depuis 27 ans. Officier de police judiciaire, David
Gris a occupé différentes fonctions au sein de cette institution, notamment, six ans en Guyane pour lutter contre l’orpaillage illégal.
En décembre 2017, paraît son ouvrage « GARIMPEIROS, la lutte contre l’orpaillage illégal »
racontée par un gendarme » aux édition Édilivre, L’orpaillage illégal est défini comme étant le fait d’exploiter des mines sans titre, qui est considéré, alors, comme crimes et délits.
Les zones visées Au Nord du Brésil, se trouve la forêt amazonienne, voisine de la France ; cette région est très pauvre, la richesse étant dans le Sud du pays, et intéresse, de ce fait, peu les autorités brésiliennes qui ferment donc les yeux sur ce qui se passe dans le Nord.
À l’Ouest de la Guyane, se situe le Surinam dont le régime dictatorial jusqu’en 2022 a poussé grand nombre de ses ressortissants à migrer vers la Guyane. L’ancien dictateur fait l’objet d’un mandat d’Interpol qui l’oblige à se cantonner dans son pays. De surcroît, le blocus économique le conduit à accepter les trafics d’armes et de cocaïne.
La population :
À l’Est de la Guyane, les amérindiens, habitants d’origine, dont la métropole se doit de
respecter les lois autochtones et les coutumes. À Cayenne, une population créole pauvre vit
essentiellement dans les bidonvilles.
À l’Ouest, les Bushinengués, descendants d’esclaves du Surinam, se sont échappés de cette
colonies hollandaise lors de la guerre civile pour s’installer en France. Ils ont le statut de
réfugiés politiques.
Les zones les plus riches en or sont sur les bassins guyanais et surinamais Au sein du bassin guyanais, le parc amazonien est totalement protégé. Personne n’a le droit d’y pénétrer. Ce parc présente, en conséquence, une fantastique opportunité pour l’orpaillage illégal. Le bassin du Maroni réunit la plus forte densité de sites illégaux.
Les orpailleurs : les garimpeiros
Ce sont des ouvriers légaux ou non travaillant au garimp (chantier d’exploitation d’or).
Brésiliens à 99 %, ils viennent à 95% de l’État du Marahnao (le plus pauvre du Brésil), les 5% restants provenant de l’Amapa ou du Para, deux états proches.
On estime la population d’orpailleurs illégaux et de membres de l’écosystème à 4 à 5 000
individus. La difficulté du recensement tient au fait que les illégaux, prévenus des manœuvres des autorités, fuient pour quelques semaines au Surinam.
Le garimpeiro est plutôt pacifiste, très croyant, non violent et, attaché à vivre et travailler en sécurité, a établi ses propres lois. On ne s’attaque ni aux femmes, ni aux enfants et aux
vieillards.
On ne vole pas et on doit l’hospitalité à qui que ce soit.
Transgresser ces lois conduit les coupables à subir la peine de mort dans des conditions d’une rare cruauté, le tout étant filmé et largement diffusé sur les réseaux sociaux afin de dissuader les nouvelles initiatives.
Organisation des garimps :
On évalue à 400 les sites illégaux dénommés garimps. L’équipe de base se compose de cinq ouvriers qui travaillent en permanence et une cuisinière qui assure l’intendance. Un chantier prospère donnera 50 à 100 grammes d’or par jour. Au total, la production illégale d’or est estimée à quatre tonnes par an.
30 sites légaux appartiennent à des sociétés guyanaises. Elles déploient des moyens modernes et une organisation efficace. Ces sites extraient 100 kg par semaine.
La gestion des garimps :
70 % de la production revient au patron (absent du site) pour l’achat et l’acheminement des matériels coûteux, (quad, carburant, groupes électrogènes…) comme pour le règlement des moyens de subsistance et des différents péages exigés par les livreurs.
Le garimpeiro et son lieu de vie
Installé à proximité d’un cours d’eau propre, le lieu de vie est composé d’un carbet principal où loge la cuisinière et où sont stockés la marchandise, le congélateur, la télévision, cuisine et table pour les repas etc…
Les hommes construisent un carbet composé d’une bâche plastique qui les protège de la pluie et les camoufle des repérages aériens, et de leur hamac.
Une radio émet en permanence et permet à la cuisinière de prévenir les garimpeiros de la
venue éventuelle des forces de l’ordre.
Les services connexes :
- Le bûcheron charpentier qui construit les carbets et pour les plus riches des chalets.
- Les vigies qui alertent des intrusions et peuvent veiller à l’entretien des pistes et passages. Elles sont payées 900 € par jour, et après avoir compté le nombre de fûts de carburant présents sur la pirogue estiment la distance que pourront parcourir les quads
des autorités puis alertent les sites. - Les motoristos ou conducteurs de quad.
- Les mécaniciens.
- Le cabaret, lieu de détente au sens le plus large du terme (allant du bingo à la consommation d’alcool à des prix exorbitants en passant par « la conquête de femme à
l’activité tarifée »).
Les 3 types d’orpaillage
- Orpaillage alluvionnaire, pratiqué dans 90% des cas.
Le principe repose sur la filtration de la terre boueuse pour en extraire la matière précieuse. Il y a, donc, obligation de se situer à proximité d’une rivière.
Pour dissocier l’or du gravier, les orpailleurs illégaux utilisent du mercure qu’ils chauffent.
Invisible à l’œil nu, il est toxique et volatile et peut conduire à la mort en cas d’inhalation. Le mercure rejeté se retrouve également dans les poissons générant du saturnisme chez les habitants proches des cours d’eau. - L’orpaillage primaire
Le principe est proche de celui de l’extraction du charbon des galeries verticales (jusqu’à – 40 mètres) ou horizontales. Il y a, alors, danger d’éboulement. - Les barges
Rustiques, elles sont composées de deux flotteurs ; elles ne comportent que le matériel d’orpaillage. Plus sophistiquées, elles peuvent posséder des chambres climatisées. Du fait des différentes législations, elles permettent d’orpailler le jour au Suriname, la nuit, mais illégalement sur le Maroni et ses affluents.
Que devient cet or ?
Des passeurs, solidement armés, sont appelés par le chef de site. Ensemble, ils appellent au Brésil une « banque » clandestine uniquement dédiée au commerce des garimpeiros. Ils l’informent des quantités que le passeur et le chef de site apporteront. Contre un peu d’or, le passeur négocie le passage en pirogue. Arrivé à destination, le patron du site est crédité de la valeur de son dépôt et retourne sur son site. Cet or, par la suite, servira davantage à l’industrie qu’à la joaillerie de luxe.
La chasse aux orpailleurs illégaux
La Guyane étant un département français, l’autorité applique le Code pénal, le Code de Procédure pénale et le Code des Douanes.
Les forces présentes sont :
- La gendarmerie épaulée par des officiers de la police judiciaire (OPJ) et la gendarmerie mobile. Ces deux derniers sont affectés pour une durée de trois mois. La nécessité de se former en arrivant réduit d’autant leur temps d’efficacité sur le terrain.
Les OPJ dirigent les hommes et les moyens nécessaires à l’enquête. - L’armée : le 9e RIMa (Infanterie de marine) et le 3e REI (Légion étrangère) basés à Kourou. L’armée n’a aucun pouvoir judiciaire mais apporte ses moyens humains et logistiques.
Leurs missions :
La recherche de personnes – mission pour laquelle les Garimpeiros sont une aide sérieuse pour la recherche de bandes armées, notamment le commando Vermeil, localisé au Brésil, à Dorin. Ce gang, particulièrement violent, attaque les banques et les orpailleurs, la destruction du matériel des orpailleurs illégaux et le contrôle des mines légales.
Les solutions pour éradiquer l’orpaillage illégal
- Mener une coopération internationale avec nos voisins, que refusent, en mi-teinte, le Brésil et le Surinam, au motif que l’or participe plus ou moins directement à leur
économie. - Neutraliser la vente de mercure qui permettrait de diminuer de 70% l’orpaillage illégal. Les orpailleurs devraient migrer vers les fleuves où stationne la gendarmerie.
- Transformer les mines illégales en mines d’État. La contrepartie est la destruction de la forêt nécessaire pour y installer les grues. Il convient de noter que ces mines sont dans l’obligation de remettre la forêt en l’état dès l’abandon de l’exploitation.
Projets
- La montagne d’or : par deux fois, une mine, propriété d’un fond américain, a extrait sur un site 80 tonnes d’or. Le président, Emmanuel Macron, y a vu une opportunité et a lancé le projet « montagne d’or », à savoir une mine à ciel ouvert, large comme 32 stades de France et profonde comme 3 Tours Eiffel. Devant les manifestations de refus des Amérindiens, le projet a été abandonné.
- Le projet majeur d’amélioration vise à protéger les populations en remplaçant le
mercure par le cyanure dont le sol est très riche et la toxicité proche de zéro.
Bertrand Riedinger