Conférence de Luc Lallemand sur la gouvernance d’une OIV pendant la crise sanitaire le mercredi 20 avril 2022

Conférence de Luc Lallemand

Président Directeur Général SNCF Réseau

« Présider un OIV (Organisme d’Intérêt Vital) pendant les crises CoVid :

piloter en « marche à vue » en gardant un cap stratégique« 

en présentiel à l’école militaire (amphithéâtre Louis) le mercredi 20 avril 2022 

Luc Lallemand est né en Belgique, cela se vérifie quand il prononce puis !

En début de carrière, officier de marine marchande sur super tanker, il a ensuite travaillé dans l’aérien avant de rejoindre la SNCB en 2002. De 2004 à 2019, il a été directeur chez Intrabel puis administrateur pendant 10 ans à la RATP DEV

Le 1er janvier 2020, il devient PDG de SNCF Réseaux, réseau fort de 58 000 collaborateurs et réalisant 6,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Et ce, quelques jours avant la crise sanitaire et l’épisode de confinement.

NB : Mr Lallemand a fortement insisté la-dessus pour décrire la spécificité de son arrivée à la SNCF.

  1. Contexte de la mission de Monsieur Lallemand

En janvier 2020, tout d’abord, à la suite de la réforme de la SNCF sous le gouvernement d’Édouard Philippe, est mis en place le recrutement possible hors statut de cheminot mais cette réforme peu acceptée produira une grève de 48 jours.

Ensuite, la transformation des 3 établissements EPIC existants, en une seule société anonyme : SNCF SA. Auparavant les ÉPICs n’avaient aucun administrateur, n’encouraient aucune responsabilité pénale et civile et perdaient 2 milliards d’euros chaque année, avec une dette de 60 milliards d’euros accumulée.

Création de SNCF Réseaux en 2015 : d’abord organisé en ÉPIC, SNCF Réseaux devient une SA avec responsabilité d’administrateur civilement et pénalement et ne devant pas créer de déficit, un point sur lequel le conférencier a insisté. Les autres entités du groupe sont SNCF Fret et SNCF Voyageurs.

https://www.vie-publique.fr/fiches/20247-etablissement-public-administratif-epa-industriel-et-commercial-epic

La conviction de l’actuel PDG est qu’un exercice déficitaire entraîne tôt ou tard des plans sociaux et fait porter la charge de la dette sur les générations futures.

L’État a repris, depuis peu, la perte d’un milliard d’euros par an, ce qui soulage le compte de résultat et Luc Lallemand a prévu un retour à l’équilibre en 2024 ; il nous a assurés être actuellement sur cette trajectoire.

Il convient de constater que l’état français a fondamentalement changé de système de gestion.

  1. Une feuille de route dynamique avec des défis
  • Équilibre financier en 2024, ce qui veut signifier que les recettes couvriront les dépenses.
  • Réaliser l’intégration de SNCF réseau dans le groupe SNCF. Le choix du modèle économique est laissé libre par l’Europe, en tenant compte du fait qu’il ne doit y avoir aucun frein vis-à-vis de la concurrence. Notons que SNCF réseau possède 42 clients, SNCF Réseau gère 36 000 km de voies, et 15 200 trains par jour.
  • Améliorer la performance opérationnelle, le critère étant celui de l’arrivée à l’heure des trains, sans dépasser 5 minutes et 59 secondes sur l’horaire prévu. Ce taux est actuellement de 92% et ce critère d’irrégularité du réseau fait l’objet d’un contrat d’amélioration sur 4 ans, en considérant que l’outil industriel est très vétuste ; il manque 1 milliard d’euros pour le rénover. Rappelons qu’il y a 30 000 km de voies et 5,2 millions de clients dont plus de 3 millions en Île-de-France.
  • Les effets du COVID ont posé le problème du dérouillage des voies nécessaire pour faire circuler, de nouveau, des trains sur des voies rouillées représentant 1/3 du réseau ferré.

Cette pandémie a transformé la forte culture du « présentiel » et a créé cette nouveauté du télétravail. Il a fallu adapter les contrats de travail pour que les collaborateurs puissent télétravailler deux jours /semaine.

La magnifique culture du service public a mobilisé les salariés, bon nombre d’entre eux sont rentrés prématurément de leurs vacances et ont travaillé 90 h par semaine. La SNCF s’est mobilisée à 120 %.

Un grand effort de dialogue a été réalisé pour porter la stratégie de redémarrage de l’entreprise.

III. Un avenir à triple facette

  • La gestion technique – postes d’aiguillages, gestion du trafic -, la reprogrammation des chantiers et la gestion des sillons qui, pour certains, ont été revendus à d’autres clients.
  • La gestion de l’humain : aura-t-on suffisamment d’hommes et de femmes pour tenir par exemple les postes d’aiguillage ? Quid du moral des « troupes » ? Comment combattre la lassitude après les quatrième et cinquième vagues de Covid car pendant ces périodes, nous n’avons rien produit.
  • La gestion financière : les ¾ du réseau doit être régénérés mais le plan de relance du gouvernement va être d’une grande aide avec l’attribution de 4,1 milliards d’euros injectés pour la remise à niveau du réseau. Pour autant, les objectifs stratégiques n’ont pas été revus à la baisse.

En conclusion, cette période de crise a permis :

  • Le partage d’activités entre le présentiel et le distanciel ;
  • La mise en œuvre d’une politique de fidélisation car les plus jeunes sont difficiles à recruter et à garder.

Récemment, le choc violent de la guerre en Ukraine a provoqué une augmentation du prix de l’énergie, des matières premières, des problèmes logistiques et un risque sur la croissance. Malgré ces contraintes économiques, notre pays qui est le leader européen (de quoi ?) est bien moins exposé que l’Allemagne et la Pologne.

Luc Lallemand termine son exposé sur le rôle du dirigeant dont l’une des principales responsabilités est d’aider à la maîtrise de l’anxiété en période de crise. Il en souligne la dimension philosophique et psychologique et la nécessité d’avoir à sa main une « boîte à outils » pour restaurer la motivation.

Il insiste sur la prise de décisions collégiale, sur le leadership, sur la connaissance de soi-même, la gestion de l’équilibre émotionnel des dirigeants qui peuvent montrer leur vulnérabilité, la partager mais surtout donner du sens à ce qu’ils entreprennent.

En aparté, il trouve les Français trop critiques à l’égard de leur pays et de leurs dirigeants et il lui paraît impensable d’avoir autant de leaders d’opinion et d’intellectuels aussi « déclinistes ».

Frédéric Sené – Marie-Madeleine Salmon

Luc Lallemand expliquera comment, malgré les absences d’agents malades, le réseau ferré national s’est réinventé pour rester ouvert à la circulation afin de permettre l’acheminement des voyageurs quotidiens, des convois logistiques, des tgv sanitaires, … dans un dialogue constant avec les clients.

Il précisera comment il a fait définir des mesures sanitaires et convaincre les entreprises de continuer les chantiers de maintenance indispensables pour lutter contre le vieillissement du réseau ferré.

Il décrira le cadre financier subitement très contraint (par la baisse des recettes des péages) et insistera sur le challenge humaine : installer le télétravail, dialoguer à tous les niveaux, éviter la lassitude produite par les « stop and go » sanitaires, ,…

Bref, comment dans la tourmente, il a piloté SNCF Réseau et réussi la continuité du service public !

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Luc Lallemand d’abord diplômé de l’École supérieure de navigation d’Anvers, puis de la Haute École Francisco Ferrer, à Bruxelles obtint son diplôme du 3e cycle à l’Institut de Finance internationale et de Cambisme (IFCA) en 1994.
Il commença une carrière d’officier de la marine marchande chez Ahlers Shipping, puis tint des postes de responsable financier et, à partir de 1995, occupa plusieurs postes au sein de cabinets ministériels.
En 2002, Luc Lallemand fut nommé directeur général des finances de la SNCB et membre du comité de direction.
En 2005, lors de la scission de la SNCB en 3 entreprises, il devient administrateur délégué et président du comité de direction de l’entreprise gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire, Infrabel.
Selon les mots du ministre belge François Bellot, Luc Lallemand a « transformé une compagnie vieillotte façon années 1960 en une entreprise digitale, tournée presque à l’extrême vers l’innovation. Et moins endettée. »
Le 29 janvier 2020, il est nommé président-directeur général de SNCF Réseau, EPIC devenu SA au 1er janvier 2020.